Les soins et services liés à l’interruption de grossesse doivent tenir compte d’une compréhension aiguisée du principe de justice reproductive.
Dans les années 1990, suite à la Déclaration universelle des droits humains de l’ONU reconnaissant entre autres les droits sexuels et reproductifs, un collectif du nom de SisterSong Women of Color Reproductive Justice Collective s’est créé aux États-Unis et a introduit la notion de justice reproductive.
Déclaration de SisterSong
SisterSong définit la justice reproductive comme :
« Le droit fondamental de disposer de son corps et de contrôler son avenir
Le droit fondamental d’avoir des enfants
Le droit fondamental de ne pas avoir d’enfants, et
Le droit fondamental d’élever les enfants que nous avons au sein de collectivités sûres et viables. » (traduit par l’ACSF de Visioning New Futures for Reproductive Justice Declaration, SisterSong, 2023)
Le cadre de la justice reproductive exprime que la santé et les droits sexuels vont au-delà de droits individuels et qu’il faut considérer les impacts de l’intersection des oppressions liées à la race, à la classe, le genre ou l’identité sexuelle, et d’autres, érigeant des obstacles systémiques aux soins auxquels se heurtent de nombreuses personnes.
Ainsi, pour SisterSong, la justice reproductive :
- Est un droit humain, basé sur la Déclaration universelle des droits humains des Nations Unies, un cadre juridique détaillant les droits humains et les responsabilités des gouvernements à les protéger.
- Est à propos de l’accès et non simplement du choix. Les mouvements ont couramment milité pour le droit à l’avortement comme un choix individuel. Sauf que même lorsque l’avortement est légal, il n’est pas nécessairement accessible. Il n’y a donc pas de choix s’il n’y a pas d’accès.
- Ne concerne pas uniquement l’avortement, mais aussi l’accès à l’avortement, l’éducation sexuelle complète, la prévention et les soins aux ITS, les options alternatives de naissance, les soins prénataux adéquats, le soutien en situation de violence domestique, le revenu adéquat pour supporter la famille, des logements sains et sécuritaires, et bien plus.
(Traduit de la page de SisterSong Reproductive Justice.)
Pour aller plus loin : Comprendre la justice reproductive (FQPN) Voici également un aperçu de l’accès aux soins en avortement pour les populations autochtones au Canada (en anglais).
Oppression reproductive
Cette section est tirée de la Stratégie nationale sur la prestation de soins liés à l’interruption de grossesse par des sages-femmes de l’ACSF.
Pour se rapprocher de la justice reproductive, il faut d’abord reconnaître les violences passées et actuelles infligées aux corps reproductifs des femmes et des personnes trans et non binaires.
«L’oppression reproductive est le résultat de l’intersection de multiples oppressions et est intrinsèquement liée à la lutte pour la justice sociale et les droits fondamentaux.» ([trad. par l’ACSF] Ross & Solinger, 2017
Les cas d’oppression reproductive au Canada comprennent, entre autres :
› les effets antérieurs et actuels du racisme et de la colonisation, notamment le colonialisme médical, les violences obstétricales, le racisme actuel envers les Autochtones tant au niveau individuel (p. ex., le refus de prodiguer des soins de santé ou la violence de la part de professionnel·le·s de la santé) que structurel, par des politiques qui retirent les soins reproductifs et la naissance aux communautés autochtones (p. ex., les priver des ressources de santé tout en appliquant des politiques d’évacuation systématique et généralisée des personnes enceintes);
› la stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada par des lois et des politiques gouvernementales qui ciblent les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, les communautés noires et certaines personnes dont l’identité se situe à l’intersection du genre, de la race, de la pauvreté et du handicap;
› l’imposition forcée de la contraception;
› la prise en charge par la Protection de la jeunesse d’enfants et de nouveau-nés en raison de préjugés systémiques qui maintiennent la surveillance des nouveau-nés et des enfants de personnes autochtones, noires et de couleur (PANDC);
› les IG forcées et contraintes, ce qui comprend un large éventail de comportements pour contrôler la reproduction, y compris des lois et des politiques;
› des communautés qui ne sont ni sûres, ni saines, ni viables (p. ex., la crise du logement abordable, la brutalité policière, l’insécurité alimentaire et le manque d’accès à l’eau potable, qui sont le résultat de politiques visant à créer et à maintenir délibérément des inégalités);
› les nombreux obstacles à l’obtention de soins reproductifs complets auxquels sont confrontées les personnes handicapées, notamment l’accessibilité des installations et des ressources, l’accessibilité des transports et l’accès à l’ensemble des services de santé nécessaires;
› la discrimination et les obstacles systémiques qui entravent l’accès des personnes 2ELGBTQI+ à des soins reproductifs inclusifs, surtout les services sécuritaires d’IG; et
› l’absence de couverture d’assurance pour certaines personnes, y compris les personnes sans papiers, les travailleur·euse·s migrant·e·s et les étudiant·e·s internationaux·ales, avec pour conséquence des frais excessivement élevés et d’importants obstacles financiers à l’accès aux soins.